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A quand notre sobriété numérique ?

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Parce que la transition numérique telle qu’elle est envisagée aujourd’hui contribue plus à détruire la planète qu’à la sauver, il nous faut la repenser, revoir nos usages et nos habitudes. La maison brûle et le numérique n’est pas étranger à tout cela, il est un contributeur actif. Alors, que ce soit dans le quotidien bien réel ou dans l’univers bien moins palpable qu’est le numérique, il nous faut agir pour préserver notre planète.

A l’heure où nos consciences s’éveillent enfin, il est plus que jamais important de comptabiliser le numérique dans l’empreinte écologique globale. En ce dossier, ne voyez aucune leçon, de quelqu’un qui saurait tout et ferait mieux que les autres. Certainement pas. Même si je m’active pour réduire mon empreinte écologique, je sais que pour ce faire, mes pratiques sont encore largement améliorables.

Je sais, en tout cas, que face à nos desiderata personnels, il nous faut avancer en évacuant cette phrase « je n’ai qu’une seule vie »  au profit de « nous n’avons qu’une seule Terre ». Né au pied du Mont-Blanc, je ne devrais, pour ma part, jamais l’oublier. Mais aller au-delà de la prise de conscience nécessite du temps, plus ou moins long à chacun.

Pas de leçon, mais un constat & des conseils

Alors ici, il n’y aura donc pas de leçon, simplement l’envie d’apporter une contribution dans cette urgence à nous transformer, avec d’abord un constat sur l’empreinte du numérique puis des conseils sur comment, chaque personne que nous sommes, en même temps ou tour à tour internaute, mobinaute, consommateur, citoyen, salarié, intermittent, indépendant, chef d’entreprise, peut progressivement changer, adopter et faire adopter à l’organisation dans laquelle elle évolue, des bonnes pratiques numériques responsables (mon nouveau site – création en cours – ajout Avril 2021).

Tendre vers une sobriété numérique est un enjeu sociétal considérable à la fois pour diminuer une empreinte écologique toujours plus forte et pour permettre de refaire d’Internet ce qu’il était initialement destiné à être : un facilitateur de communication et d’échange de connaissances où chacun pourrait s’exprimer, partager et commenter avec bienveillance.

L’écologie & l’éthique au cœur du problème

D’une part, le diagnostic écologique est accablant ; d’autre part, côté éthique, il n’est plus soutenable.

The Shift Project dans son rapport Lean ICT – Pour une sobriété numérique paru en Octobre 2018, déclare simplement que le numérique (et la transition numérique) tel qu’il est envisagé actuellement contribue plus à détruire la planète qu’à la préserver. Pourtant objet de tous les fantasmes en matière de réduction d’empreinte à ses débuts, Internet a prouvé depuis, bien le contraire. « La technologie ne résout pas les problèmes de l’humanité, c’était naïf de le penser. » Sundar Pichaï (PDG Google), New York Times, 8 novembre 2018 (à retrouver dans la très bonne revue de l’ADN).  Et pourtant elle pourrait faire tellement mieux.

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Pour la seconde problématique soulevée, celle de l’éthique, force est de constater que si les réseaux sociaux avaient permis initialement de faire démarrer les choses dans le bon sens, tout est devenu depuis beaucoup plus compliqué et bien moins bienveillant au fil du temps.

Internet, celui qui est encore un formidable outil

Cependant, il serait injuste de ne pas rappeler combien Internet est un vecteur formidable de socialisation, révélateur de talent, libérateur de parole, relai de créativité.

Prenons ne serait-ce qu’un exemple, celui de la libération de la parole des femmes : le mouvement #metoo au début de l’année 2018 a permis de révéler des comportements au grand jour et créer une prise de conscience collective. Sur d’autres combats, des comptes Instagram, comme tasjoui ou tubandes, ou encore le Tumblr Paye Ta Robe d’Avocate facilitent aussi une évolution des mœurs et défendent l’égalité femmes-hommes.

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Internet favorise aussi la prise de conscience sur l’urgence climatique grâce à des mobilisations massives d’influenceurs ou l’Affaire du Siècle qui, par viralité, se diffusent rapidement à large échelle.

Les plates-formes citoyennes comme make.org permettent à chacun, à travers des grandes consultations en ligne, de participer au débat (415 000 participants à la dernière consultation sur le thème « Comment prendre soin de nos aînés »).

Et si parfois, les innovations technologiques semblent tout à fait futiles, elles se révèlent dans bien d’autres cas très utiles pour la société.

C’est pourquoi je crois encore sincèrement à l’opportunité que constitue le numérique et à la possibilité de le rendre meilleur. Je vais donc tenter à travers ce dossier de montrer ce que pourrait être une forme de sobriété numérique notamment dans le domaine du marketing à l’ère digitale.

Un an après le Grand Livre du Marketing Digital

En conclusion de cette introduction, je rappellerai simplement qu’il y a un an, nous publiions Le Grand Livre du Marketing Digital (Editions Dunod) avec Claire Gallic. Un an après, si notre regard sur le marketing digital reste sensiblement le même, il a aussi évolué.

S’il y a un an, l’urgence climatique et les problèmes issus de la révolution numérique constituaient déjà des enjeux immenses, l’année 2018 a été l’année d’un réveil plus massif sur l’urgence à résoudre ces problèmes, nous faisant passer de l’état de conscience à celui d’action. Et – j’associe ma co-autrice à ce propos – nous n’y avons pas échappé.

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Nous n’écririons donc ni tout à fait le même livre aujourd’hui ni n’en ferions la promotion exactement de la même façon, plus conscients désormais de l’impérieuse nécessité de transformer les réseaux sociaux, de mieux prévenir l’emprise des GAFA et d’une nécessaire responsabilisation de chacun dans l’utilisation des produits et services issus du numérique.

Mais nous continuerions – et nous continuons – comme le fait Le Grand Livre du Marketing Digital, à dire qu’Internet (et le numérique de manière plus générale) est un formidable jeu dans lequel il faut rentrer car il ouvre un immense champ des possibles pour les organisations et les individus, d’autant plus si on apprend à l’utiliser avec sobriété et honnêteté, c’est-à-dire en accord avec ses valeurs.

L’empreinte numérique

L’empreinte écologique

Commençons par faire un court bilan de notre empreinte numérique.

On peut notamment s’appuyer sur le rapport Lean ICT de The Shift Project évoqué précédemment. Voici les principaux enseignements qu’on peut en tirer :

  • le numérique représente 3.7% des émissions de gaz à effet de serres ;
  • L’explosion de la consommation de vidéo en ligne et la production d’ordinateurs, smartphones et tout objet/écran/périphérique connecté, trop fréquemment renouvelés, constituent les principaux facteurs d’augmentation des émissions ;
  • l’intensité énergétique de l’industrie numérique augmente de 4 % par an ;
  • la surconsommation de produits et services numériques est le fait des pays développés.

The Shift Project propose dans ce rapport une définition de la sobriété numérique : acheter les équipements les moins puissants possibles, les changer le moins souvent possible, et réduire les usages énergivores superflus.*

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La conclusion du rapport est, comme indiquée ci-dessus, sans appel : le numérique envisagé tel qu’il est aujourd’hui contribue plus au dérèglement climatique qu’il n’aide à le prévenir. Mais l’impact environnemental de la transition numérique devient gérable si elle est plus sobre.

Au delà du ecommerce, l’empreinte du ecommerce

Par ailleurs, le ecommerce qui, au-delà du numérique à proprement parlé, se caractérise par une disponibilité toujours plus importante des produits (et services) et une livraison toujours plus rapide, provoque une empreinte écologique toujours plus forte et entraîne mécaniquement une surconsommation de produits et services. Est-ce si utile de pouvoir commander à 14h et d’être livré dans la soirée ? Notre frénésie consommatrice est-elle à ce point insatiable ?

L’empreinte sociétale

Si l’empreinte est écologique, elle est également sociétale.

L’ecommerce a naturellement entraîné une guerre marketing encore plus violente.

Avec les possibilités de ciblage et la multiplication des points de contacts avec l’internaute (boîte e-mail, réseaux sociaux, publicités ciblées, retargeting), l’ecommerce a provoqué une multiplication des messages de la part des marques.

Et puisque chacun de ces messages doit renfermer une offre spécifique, justifier une raison de communiquer, le calendrier annuel s’est alors peu à peu transformé en un ensemble d’occasions où chaque fête, journée mondiale de, jour férié, période de vacances, changement de saison… est devenu un prétexte à proposer une réduction spécifique, une offre chaque fois plus exclusive et plus exceptionnelle que la précédente.

Promotions permanentes vs. Consommation durable

Au delà de l’absurdité de ces promotions permanentes – dévalorisant par là même le principe de promotion – se pose la question des valeurs prônées par les marques agissant ainsi : consumérisme à outrance sans questionnement éthique sur son influence sur ses clients.

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Elles sont d’ailleurs nombreuses, ces marques, à avoir voulu profiter du Blue Monday pour vous redonner le moral avec des réductions, à promouvoir le Black Friday et le Cyber Monday dans une société française où ces noms ne font référence à aucun événement (rappelons que le Black Friday survient le lendemain de Thanksgiving, qui a lieu traditionnellement le dernier jeudi du mois de novembre, marquant ainsi le début de la période des achats pour les fêtes de fin d’années). Si Thanksgiving existait en France, ça se saurait.

Des promotions pour défendre des causes ?

Pire encore sans doute, ces marques qui prétendent défendre des causes par des offres commerciales.

Par exemple, elles sont nombreuses chaque année à proposer la livraison offerte sur leur site marchand pour ce qu’elles appellent « la journée de la femme ». Rappelons d’abord ici que la journée de la femme n’existe pas, qu’il s’agit de la Journée internationale des droits des femmes. Rappelons ensuite qu’offrir les frais de livraison pour défendre les droits des femmes est pathétique. Des marques comme Vert Baudet ou encore Deva, n’ont pas hésité à franchir ce pas en 2018. Côté éthique, tout le monde ne peut pas être Patagonia.

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Réseaux sociaux : ça tique au niveau éthique

L’année 2018 sur les réseaux sociaux, je le disais en préambule, a offert son lot de problèmes qui donnent la nausée.

Jamais Facebook n’aura connu une année comme celle-là… à tout point de vue malheureusement. Jamais Facebook n’aura connu autant de scandales qu’en 2018, et jamais ils n’auront réalisé un chiffre d’affaires aussi important. Comme quoi, nous sommes de plus en plus nombreux à constater les problèmes liés à ce réseau social, mais nous ne réagissons encore que trop peu : l’acrasie, notre intime désaccord.

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Et parmi ces scandales, celui des fake news que le réseau laisse se propager à travers des bulles algorithmiques dangereuses, allant jusqu’à modifier potentiellement les résultats d’élections présidentielles. Mais il n’est pas le seul, Twitter est grand responsable aussi.

Twitter laisse également se répandre les hate news et la haine, les tensions, les fractures entre les utilisateurs n’en sont que plus fortes. Peut-être que la perte de 5 millions d’abonnés au dernier trimestre 2018, va les forcer à accélérer le mouvement pour prendre des mesures.

Enfin, et je ne m’attarderai pas plus sur ce sujet – c’est aussi un enjeu majeur, mais il faudrait le traiter à part – : l’économie collaborative. Du chauffeur Uber au livreur Deliveroo, en passant par les chargeurs de trottinettes Lime ou Bird ou encore les turkers d’Amazon, tous non salariés de ces entreprises et donc indépendants, pour la plupart sous le statut auto-entrepreneurs, le modèle est loin d’être vertueux et le profit certainement pas partagé mais plutôt concentré par ces entreprises.

L’heure de se remettre en question

Alors il va falloir que nous nous posions un certain nombres de questions.

Quel Internet souhaitons-nous pour demain ? Allons-nous continuer à pencher vers un tout solutionnisme à la fois technologique et générateur de surconsommation de services/produits numériques ? Quelle économie souhaitons-nous qu’Internet permette ? A quelles fins allons-nous utiliser Internet ? Celles qui répondent à un consumérisme assoiffé, à un égocentrisme exacerbé qui met en avant trop souvent la bêtise humaine, à des innovations technologiques inutiles ?

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Dans la suite de ce dossier, nous verrons des solutions concrètes pour changer nos pratiques en tant qu’individu ou entreprise. Atteindre notre sobriété numérique exige un changement drastique dans notre façon d’utiliser les produits et services que propose, offre, facilite Internet, et permettre ainsi aux enjeux centraux de notre société d’émerger dans un climat audible, d’envisager une autre manière de consommer et de produire une empreinte écologique soutenable.

MAJ Avril 2021 – La suite de ce dossier s’illustre dans un nouveau site internet que je suis en train de construire : https://numeriqueresponsable.org 

Conférence sur la Sobriété Numérique

Retrouvez ma conférence sur la Sobriété Numérique, donnée dans le cadre du Digital Change 2019 à Nantes.

Tags : #environnement #rse #sobriété numérique


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